***

Les années 50 n’étaient pas grainés, ni tremblantes, ni noires-et-blanches. Elles étaient aussi vives, claires, transparentes et inébranlablement réelles que l’aujourd’hui, aussi vastes et interminables que le présent, aussi here and now que les yeux de ceux qui les voient, les oreilles qui les écoutent et les narines qui aspirent leurs parfums. Les années 50 n’ont jamais cessé d’être les années 50, tout comme le maintenant ne cesse jamais d’être le maintenant.

***

L’intuition du temps globale dans lequel est possible la concomitance des événements dans des parties de l’univers très éloignées les unes des autres vient du fait (ou, plutôt, d’une autre intuition) qu’il y a quelque chose à propos de la conscience qui dépasse le temps et l’espace, une espèce d’omniprésence basée sur la divination. En se sentant ainsi partie du tour, mais en ne pas pouvant le prouver ni rejeter, on finit par inventer un concept du « temps universel », fondé sur le concept limités du temps — le seul accessible à la parole ! — qui est, dans cette optique, évidemment, incorrect, mais qui, en réalité, ne veut pas dire temps — qui veut dire conscience.

***

Il me semble que la plupart de paradoxes et de bizarreries auxquels se heurte le science en essayant d’« expliquer le monde » dans un sens traditionnel et le plus connu de cette expression (c’est-à-dire, répondre à toutes les questions existentielles exhaustivement pour qu’il ne reste aucun « pourquoi ») — la plupart de problèmes vient du fait qu’on traite le monde comme quelque chose externe, et on pense soi être dans le monde, entouré par lui. Et si l’on est dans quelque chose, il doit bien y avoir une fin. Et si l’on est entouré de quelque chose, il doit bien y être une extériorité. D’où tous les défis de l’infini, de l’origine, du hasard et de « cosmic fine-tuning ». Le monde et son observateur sont deux entités différentes, alors, on est obligé de construire une relation entre les deux, et le faire dans un vide qui, dans cette vue-là, les sépare.

Mais si, justement, on jette ceci, et on prend une toute autre perspective ? Celle de « l’un », c’est-à-dire, d’un seul agent qui est et qui s’observe au même temps ? Si l’on postule que le monde et son observateur ne sont pas en réalité séparés, mais plutôt constituent le même objet ? (Un mot qui ne convient pas vraiment ici, car un objet présume une extériorité, mais ceci est un problème de langage.) Bref, si l’on dit que moi et l’univers — ce sont les synonymes ? Il est vrai qu’il ne faut pas ici tomber dans la simplification et céder au chant de sirènes des théories ésotériques que croient tout expliquer dans un paragraphe ou moins — mais il ne faut pas non plus avoir peur de prendre ce chemin et ignorer le scepticisme inné nourri par l’éducation matérialiste dominante.

Je ne suis pas le seul à observer le monde : il y en a des milliers de consciences capables de contemplation et d”autoréflexion. Le monde dans lequel je me trouve n’est pas le seul : il y en a des milliers d’autres qui se livrent à l’observation par leurs propres habitants dont la présence pour moi n’est pas directement perceptible, mais que je peux deviner à partir de ma propre expérience. Les observateurs dans ce modèle-ci sont un peu comme les membres, les antennes, les pseudopodes et les tentacules d’un organisme infini qui occupe tout l’espace et tout le temps, sans laisser aucun vide, car le vide même lui est propre. Ces membres ne nécessitent pas être directement en contact entre eux pour fonctionner, mais ils appartiennent tous à la même entité.

En plus de cela, cet animal infini doit ressembler à ces vers qui peuvent restituer leur propre corps à partir d’une minuscule partie. L’ensemble du monde se reproduit dans chaque observateur — même la sensibilisation de son entièreté n’est pas immédiatement accessible (justement, à cause de son infinité), et, si l’on réfléchit bien, ce ne rien d’autre que cette prise de conscience de soi-même qui n’arrive jamais à sa fin (car il n’y en a pas) — ce ne rien d’autre que cela qu’on appelle, d’une manière triviale, « l’expérience subjective ».

C’est ça. L’infini qui se verse en soi-même et qui — ni la substance, ni le récipient — ne se termine jamais.

***

There is something rather than nothing because it is perceived. It is perceived by the consciousness and, coincidentally, is also made of consciousness — as, otherwise, what would the consciousness perceive — and the consciousness can’t but be, hence there is something.

There is something rather than nothing because nothing is not a tangible option.

The materialist world is a mirror made of thin coating sprayed onto the thick solid substrate of matter and in which consciousness perceives itself. Le monde réel, par contre, est cette chose bizarre qui se produit avant même que la réflexion ne se produise, avant que la main invisible du concept étale la couche de phénoménologie sur la masse immobile de la matière, avant que la matière ne s’agrège et ne se forme comme telle, bien avant que se forment les écoles de pensée et les philosophes qui y adhèrent et qui la baptiseront ainsi, avant tout mouvement, avant tout son, avant tout et après rien — le monde réel est celui non de l’existence, mais de devenir, perpétuel et toujours inachevé, mais néanmoins stable et très pertinent, dans le contexte duquel les notions de l’origine et de la fin se voient soudainement ridiculiser, comme si l’on discutait avec une grande vivacité sur les fonctions de deux bouts d’un bâton.

***

On that autumn day, as I was watching, with my eyes wide open, the pillars of the New World go down in flames, I heard my dad’s friend, who was a composer, say that what we were witnessing was a symphony. I remember feeling instant anger and disgust towards that person who was labelling thousands of human with a single flashy phrase. Here I am, 20 years later, trying to express all I feel about the most beautiful skyline in the world in an undulating piece for piano and ensemble of supersaws.